lundi 3 mai 2010

UN CHATEAU EN ENFER
















Voici un film comme on rêve d'en voir plus souvent, à savoir une oeuvre totalement inclassable, capable de rallier les suffrages auprès de ceux qui aiment les films de guerre et ceux qui les détestent...

Mis en scène en 1969 par SYDNEY POLLACK, "CASTLE KEEP" (Un château en enfer), ce film nous présente une escouade de 8 soldats américains en plein marasme dans les Ardennes, en 1944.
Ce groupe est composé notamment du Major ABRAHAM FALCONER (BURT LANCASTER), du Capitaine LIONEL BECKMAN (Patrick O'NEAL)et du sergent ROSSI (Peter FALK).
Dès la première séquence, le ton du film est donné: les 8 soldats se retrouvent embourbés avec leur jeep à la lisière d'une forêt, et ils croisent le chemin du Comte de MALDORAIS et de son épouse, la jeune Comtesse de MALDORAIS, dans une séquence filmée au ralenti pendant laquelle s'entrechoquent 2 univers diamétralement opposés, le monde guerrier et l'univers onirique que l'on croirait sorti des films de CORMAN sur EDGAR POE, à savoir le COMTE et la COMTESSE filmés au ralenti au galop de cheval avec grâce et élégance, servis par une musique douce signée MICHEL LEGRAND, en contre-pied de la rudesse des soldats, de leur état de saleté et de délabrement physique et moral; le Comte leur propose alors à tous de les héberger dans son château, un splendide château entretenu avec amour par lui-même, dernier descendant de la dynastie des MALDORAIS.

Sydney POLLACK, plein d'esprit caustique vis-à-vis de ses personnages, nous dépeint leurs âmes tourmentées de manière quasi chirurgicale.
Le COMTE entend préserver coûte que coûte le patrimoine historique de son superbe château, qui en devient un personnage à part entière.
On découvre que le Comte souffre d'impuissance, et craint de ne pouvoir assurer la survivance de sa lignée.
Ce qui fait dire à un soldat qui raconte l'histoire en voix-off "Nous occupions le château depuis maintenant 13 jours, mais nous ne savions pas depuis combien de temps le Major occupait la COMTESSE???" ... Tout un programme!!!
Le Major FALCONER risque donc de pouvoir régler de manière détournée le problème du Comte: pendant ce temps, l'ennui saisit le reste de la troupe; pour le combattre, le Capitaine BECKMAN prévoit de mettre en scène une conférence sur l'art, profitant de l'opportunité qui se prèsente à lui de discourir sur la passion immense qu'il cultive sur le sujet et de la matière qui se trouve tout autour de lui, peintures et sculptures à l'appui; le sergent ROSSI, quant à lui, propose un tout autre genre de théâtre: une courte pièce sur un érotomane en rut!!! Tout un programme également.

Les moments d'humour sont là néanmoins, avec cette scène où un soldat remonte de l'eau une VOLKSWAGEN qui refuse de couler, faisant dire à ce soldat que la guerre aurait pû être gagnée plus vite avec un tel matériel!!!

Mais pendant que tout ce beau monde passe le temps comme il veut en espèrant finir le conflit au calme, la menace se précise et la guerre reprend ses droits.
D'abord, des snipers viennent reconnaitre le terrain, puis, c'est le gros de l'invasion qui commence, mettant en péril le divin château et ses occupants.

Et c'est alors que le grand art de SYDNEY POLLACK se révèle, avec une dualité constante entre des univers qui s'écroulent: FALCONER, personnage plutôt cynique et désabusé, se fiche pas mal du patrimoine à défendre, il ne conçoit le château que comme espace de défense contre les hordes teutonnes, au grand dam du Comte, prêt à se fourvoyer avec l'ennemi, mais aussi de BECKMAN qui voudrait aussi défendre ce château de la destruction.
FALCONER a des rapports assez ambigus avec BECKMAN (MAGNIFIQUE PATRICK O'NEAL), à mi-chemin entre le déni de sa capacité à être un soldat et la volonté de lui faire accomplir des actes de bravoure.

Et le sergent ROSSI, boulanger dans le civil, qui vise comme ELDORADO la boulangerie et la boulangère du petit village ardennais à proximité du château.
Le reste de l'équipe tente d'oublier la guerre dans les bras des dames de compagnie du bordel local, ce qui nous permet au passage de reconnaitre Elizabeth TEISSIER dans ce groupe féminin, groupe qui n'hésitera pas à épauler les soldats lors de l'attaque du village par des blindés nazis qu'elles défendront au cocktail molotov...

FALCONER, qui manque cruellement d'hommes, tente de rallier à sa cause un groupe d'objecteurs de conscience menés par le génial BRUCE DERN, reconverti en prédicateur halluciné, ce qui donne droit à une séquence absolument surréaliste (le film en est rempli) de BURT LANCASTER, bandeau noir à l'oeil, fier sur son cheval blanc, en train de vouloir rassembler le groupe d'objecteurs taillé en pièce par des tirs d'obus: que la guerre est alors magnifiquement pathétique!!!

Le film bascule entre réel et illusoire, avec une attaque du château où les 8 soldats sont retranchés dans la roseraie, bien mince abri pour des soldats en péril; on s'attend presque à un final au sang et au son de BEETHOVEN lancé à fond!!!

Pour le reste, eh bien, c'est vous qui voyez!!!